Science
Quelques études scientifiques ont été réalisées sur l'alouette, confirmant le plus souvent ce que nous savons de manière empirique depuis toujours.
Ci-dessous, l'une d'elle qu'on peut retrouver en version anglaise sur le site Wildlife biology in practice http://socpvs.org/journals/index.php/wbp/article/view/10.2461-wbp.2007.3.11 que j'ai essayé de retraduire en français.
Il en ressort principalement que :
- les alouettes migrent essentiellement la nuit et se reposent dans la journée qu'elles mettent à profit pour se nourrir,
- la vitesse moyenne étant de 20 à 30km/h, une alouette en migration parcourt, en moyenne 300km en une journée.
LA MIGRATION DE L’ALOUETTE ALAUDA ARVENSIS LE LONG DE LA CÔTE ATLANTIQUE DU SUD OUEST DE LA FRANCE
R. Hargues1,2, P. Girardot1, F. Ibañez1, P. Mourguiart3,4* & J. Recarte1
1 - FDC40 - Fédération Départementale des Chasseurs des Landes, 111 chemin de l’Herté, BP 10, F-40465 Pontonx-sur-l’Adour.
Tel :(33) 5 58 90 18 69. Fax: (33) 5 58 74 12 00.
E-mail: contact@fedechasseurslandes.asso.fr
2 - FNC - Fédération Nationale des Chasseurs, 13 rue du Général Leclerc, F-92130 Issy-les-Moulineaux.
Tel :(33) 1 41 09 65 10. Fax: (33) 1 41 09 65 20. E-mail: rhargues@chasseurdefrance.com
3 -IRD - Université de Pau et des Pays de l’Adour, UFR Sciences et Techniques, allée du Parc Montaury, F-64600 Anglet.
Tel :(33) 5 59 57 44 43. Fax: (33) 5 59 57 44 02.
4 - IRD - 213 rue La Fayette, F-75480 Paris cedex 10.
E-mail: philippe.mourguiart@neuf.fr
Résumé :
Des captures au filet des alouettes des champs eurasiennes (Alauda arvensis) ont été effectuées durant la journée le long de la côte sud-ouest de la France au cours de la période de migration d’automne. L'objectif principal de ce travail était de documenter certains aspects de la condition corporelle des alouettes (poids et réserve de matières grasses). Entre 1997 et 2004, un total de 8903 oiseaux ont été capturés en octobre-novembre. Les dates médianes de capture lors des migrations d'automne étaient respectivement le 24 octobre pour les femelles et le 26 pour les mâles. Près de 58,4 % des oiseaux étaient des femelles et 34,0 % des mâles, les 7,6 % restants étant des oiseaux non sexés. Les alouettes arrivées à notre site d'étude avaient de faibles réserves de graisses, 42 % des individus ne montrant aucun dépôt graisseux visible. Les taux de variation de poids ont pu être reliés à l'heure de la journée : les individus capturés pendant la nuit avant 07h00 du matin étaient 3 à 4 % plus lourd que les individus capturés pendant la journée entre 07h00 et 20h00.
Sur la journée, le gain moyen de masse corporelle a été d'environ 5 % pour les deux sexes, suggérant que les oiseaux migrateurs n'étaient pas seulement capables d'acquérir de l'énergie pour leur métabolisme normal, mais qu’ils étaient aussi capables de stocker des graisses pour la migration. A la lumière d’équations allométriques destinées à estimer le coût énergétique du vol, les distances moyennes de vol ont été estimées entre 180 et 240km pour les femelles et entre 160 et 220km pour les mâles. Comme les sites de halte migratoire sont utilisés par nombreuses espèces d'oiseaux terrestres migrateurs pour le ravitaillement, nos données indiquent que la plupart des alouettes pourraient présenter dans notre région un comportement d’alimentation dans la journée et de vol la nuit, démontrant la nécessité de préserver les sites d'escale, comme celles rencontrées dans le sud-ouest de la France, pour la réussite de la migration.
Considérant que de nombreux oiseaux migrateurs tels que les alouettes se nourrissent abondamment dans les champs, les changements dans les pratiques agricoles peuvent affecter la capacité de survie des alouettes lors de leur migration d'automne et en hiver.
Introduction
Beaucoup d’oiseaux volent sur de longues distances pour effectuer leurs migrations annuelles des sites de nidification aux sites d’hivernage. La migration est l’activité la plus énergivore pour les oiseaux.
Parmi les réserves d’énergie, la graisse est la source d’énergie la plus avantageuse.
Cependant, pour de nombreux passereaux, l’énergie requise pour effectuer les migrations à longue distance excède habituellement la quantité que ces individus sont capables de produire. La quantité de graisse stockée varie donc grandement en fonction de la stratégie migratoire. Odum a proposé une classification basée sur la stratégie adoptée par les oiseaux migrateurs :
1- Migrateurs à faible distance qui deviennent modérément obèses mais commencent leur migration avant d’atteindre le pic de dépôt graisseux ;
2- Migrateurs à faible distance qui commencent leur migration après avoir atteint le pic de dépôt ;
3- Migrateurs à longue distance qui deviennent extrêmement obèses (la graisse représentant plus de 50% du poids corporel) juste avant leurs longs voyages.
Les migrateurs des catégories 1 et 2 entreprennent une série de vols interrompus par des haltes pour refaire leurs réserves d’énergie avant le prochain vol.
L’alouette Alauda arvensis est un des oiseaux les plus abondants en Europe avec plus de 40 millions de couples estimés, même s’il semble actuellement en déclin.
Cette espèce se reproduit à travers toute l’Europe et hiverne dans le sud ouest de l’Europe et l’Afrique du Nord.
Les alouettes sont considérées comme des migrateurs à courte distance, même si certains oiseaux volent sur plus de 3.000km de la Scandinavie à l’Espagne ou au Maroc.
A cause de sa répartition très étendue, les causes du déclin de ses populations sont peu comprises parce que les tendances démographiques ne sont pas étudiées de manière exhaustive.
En fait la migration d’automne qui est une période critique pour les oiseaux migrateurs a été particulièrement peu étudiée.
La présente étude a examiné les stratégies de dépôt graisseux adoptées par cette espèce sur un site de halte idéalement situé sur sa route migratoire de l’ouest européen.
Notre but est triple :
1- Fournir des informations de base sur la migration de l’alouette durant la migration automnale le long de la côte atlantique dans le sud ouest de la France ;
2- Etudier les modèles géographiques de dépôt de graisse chez les migrateurs ;
3- Donner un aperçu de l’écologie des lieux d’escale de cette espèce.
Méthodes
Les données de terrain ont été collectées en automne, de 1997 à 2004 sur des sites le long du golfe de Gascogne entre 45° 15’ et 43° 45’ N et entre 0° 58’ and 1° 19’ W.
Cette région est idéalement située pour recevoir une grande quantité d’alouettes.
La capture au filet a été conduite pendant 15 à 25 jours en octobre-novembre.
Nous avons divisé la journée en 22 unités correspondant chacune à une heure entre 22h00 et 20h00. Entre 20h00 et 22h00, les filets n’étaient pas opérationnels. La proportion d’oiseaux capturés était ainsi calculée dans chacune de ces unités.
Les oiseaux étaient capturés à l’aide de filets en nylon (2,5m de haut x 2m de long) avec des mailles de 20-27mm.
Durant la journée, 3 filets horizontaux étaient ouverts à 7h00 et fonctionnaient jusqu’à 20h00.
De nuit, entre 22h00 et 7h00 du matin, 3 filets verticaux étaient utilisés et étaient inspectés toutes les 20 minutes.
Pour s’assurer un maximum de succès, les filets étaient placés sur le sommet des dunes, à proximité de la lisière de la forêt et une bande enregistrée était utilisée pour attirer les oiseaux.
Chaque alouette était baguée avec une bague aluminium numérotée. La longueur de l’aile était mesurée du cubitus à la point de l’aile (+- 1mm) et le poids corporel (+- 1g) était enregistré.
La longueur de l’aile qui présente une distribution bi-modale était utilisée pour la détermination du sexe.
Pour confirmer ou infirmer la probabilité de variations horaires de la masse corporelle de l’alouette, les différences de masse corporelle étaient comparées tous les jours séparément pour les 2 sexes.
La quantité de dépôts graisseux sous-cutanés dans la fosse interclaviculaire était quantifiée visuellement par rapport à une échelle à 4 degrés (classes d’indice d’adiposité) :
1- Presque pas de graisse observée
2- Fine couche de graisse sur la furcula
3- Graisse remplissant la furcula mais sans la recouvrir
4- Graisse recouvrant la furcula et couvrant en partie l’abdomen.
Les estimations de changement de la masse graisseuse corporelle étaient calculées en soustrayant le poids moyen des animaux appartenant au groupe 1 au poids moyen des oiseaux des groupes 2,3 et 4.
Considérant que la graisse fournit la presque totalité de l’énergie pour les longs vols de migration, l’énergie disponible pour le vol peut être calculée si le total de la masse graisseuse corporelle disponible est connue.
Comme le taux métabolique par gramme de matière grasse semble être similaire pour tous les passereaux de 10 à 40g, on peut estimer la distance de vol avec une masse de graisse donnée. Plusieurs auteurs sont d’accord pour dire que durant une halte, tout le gain de poids résulte du stockage de la graisse. Ainsi, cet accroissement de masse corporelle a été d’abord convertie en équivalents énergétiques en considérant la valeur énergétique de la graisse à 39,8kJ g-1. Deuxièmement, différentes données empiriques ont été utilisées pour estimer le métabolisme du vol chez l’alouette.
L’estimation la plus basique a été donnée par Nisbet avec une consommation de graisse par des passereaux d’approximativement 1% de la masse corporelle par heure de vol durant la migration.
Une autre approche utilise le taux métabolique basal des oiseaux (BMR) : le coût du vol serait un simple multiple du BMR, variant entre 6 et 12 fois le BMR pour les passereaux. Malheureusement, nous avons trouvé seulement 2 références concernant le métabolisme des alouettes. Il était estimé à 0,722W pour un oiseau de 31,7gr et à 0,562W pour un oiseau de 46,1g. Cette estimation était ensuite convertie en quantité de graisse consommée en divisant cette valeur par la densité calorique de la graisse.
Il y a aussi des méthodes indirectes pour mesurer le coût énergétique d’un vol, y compris la perte de masse graisseuse. Différentes régressions ont été proposées à partir de différentes mesures sur les oiseaux, incluant la masse graisseuse, la longueur de l’aile ou la surface de l’aile. Les différentes approches ont été testées.
Finalement, les distances de vol qui sont particulièrement valables pour générer des prédictions de stratégie migratoire ont été calculées à partir d’une vitesse moyenne pour les alouettes en migration de 30 à 40km/h.
Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à partir du logiciel minitab (Minitab for Windows v. 12.2).
Les données ont été analysées par le test Anderson-Darling pour déterminer la distribution et sont exprimées en moyenne +-SD.
Résultats
Variation temporelle
Pendant notre étude de 8 ans de la migration automnale (1997 - 2004), nous avons attrapé et bagué 8903 alouettes : 81.8% à Mimizan (44°12’N/1°13’W), 8% à Tocane (45°15’N/0°29’W), 6% à Soustons (43°45’N/1°19’W), 4% à Lit-et-Mixe (44°02’N/1°15’W), et 0.2% à Ychoux (44°13N/0°58’W).
Aucun de ces 8903 individus n’a été recapturé.
Le sexe a pu être déterminé chez 8861 individus : 58,4% ont été identifiés comme des femelles et 34% comme des mâles, 7,6% étant indéterminés.
Les haltes migratoires ont eu lieu en automne, les 1ères captures le 13 octobre et les dernières le 8 novembre.
La date médiane de capture pour les femelles correspond au 24 octobre pour les femelles et au 26 octobre chez les mâles.
Fig.1. Déroulement de la migration automnale basée sur le nombre de mâles et de femelles capturés, bagués et sexés entre 1997 et 2004.
Le pic de capture journalier se situe pendant la nuit. A peu près 50% des oiseaux ont été capturés entre 00h00 et 6h59, soit une moyenne de 567 oiseaux par heure, ce qui représente 2 fois le taux de capture (261 oiseaux par heure) obtenu durant la période de 7h00 à 23h59.
Les tailles d’échantillon d’alouettes capturées avant 23h00 et entre 18h00 et 19h59 représentaient moins de 50% du taux de capture journalier pour les 2 sexes.
Fig.2. Distribution temporelle des captures journalières d’alouettes
Taille de l’aile
Une bi-modalité de la longueur de l’aile due au dimorphisme sexuel a été clairement détectée dans notre base de données.
La longueur moyenne de l’aile pour les femelles était de 105mm+-2,09 et de 115,6+-2,41mm pour les mâles.
Les individus présentant des valeurs intermédiaires (correspondant à 7,6% des oiseaux) ont été considérés comme non sexés.
Poids
Le poids moyen était respectivement de 32,7g ± 2.82 pour les femelles et de 38,5 ± 2.91 g pour les mâles.
Les mâles migrateurs en automne étaient significativement plus lourds que les femelles.
La masse corporelle des femelles et des mâles changeait significativement selon les heures et le poids était à son maximum entre 22h00 et 7h00 pour les 2 sexes.
Les alouettes capturées de nuit avant 7h00 étaient 3,5% plus lourdes (33,34g pour les femelles et 39,11g pour les mâles) que les individus capturés dans la journée entre 7h00 et 20h00 (32,14g pour les femelles et 37,85g pour les mâles).
En outre, il y a un accroissement visible de la masse corporelle dans l’après midi, avec un pic secondaire entre 16h00 et 18h00.
Fig.4. Variations du poids moyen des alouettes selon l’heure de capture. Les données ont été regroupées par sexe
Indices de graisse
Plus de 80% des alouettes capturées avaient des indices graisseux sous-cutanés appartenant aux classes 1 et 2 et seulement 2% avaient un indice graisseux correspondant à la classe 4.
La masse corporelle différait significativement selon les classes.
La masse corporelle moyenne des femelles et des mâles de la classe 1 était de 31,3g (95% CI 31,2 à 31,4g) pour les femelles et 37,0g (95% CI 36,86 à 37,14g) pour les mâles.
Ces valeurs peuvent être considérées comme une estimation de la masse maigre moyenne des alouettes femelles et mâles.
Fig.5. Variations de l’indice graisseux des alouettes selon l’heure de capture
Considérant les valeurs de masse corporelle faisant référence à la classe 1, la moyenne de graisse corporelle a été estimée à 1,8g (5,8% de la masse corporelle maigre) pour la classe 2, 3,9g (12,5% de la masse corporelle maigre) pour la classe3 et 5,4g (17,3% de la masse corporelle maigre) pour la classe 4.
La masse corporelle moyenne des mâles alouettes des classes 2,3 et 4 étaient respectivement de 38,9+-2,44g, 40,9+-2,57g et 42,3+-3,08g.
Cela correspondrait respectivement à un poids moyen de graisse corporelle de 1,9g (5,1% de la masse corporelle maigre), 3,9g (10,5% de la masse corporelle maigre) et 5,3g (14,3% de la masse corporelle maigre).
Le taux de gain pondéral (en grammes) ne diffère pas entre mâles et femelles.
Fig.6. Distribution des classes d’indice graisseux et sa relation avec le poids moyen corporel
Distance de vol potentielle
Les différences entre les estimations des distances de vol obtenues selon les différentes méthodes varient considérablement, plus de 2 fois.
Les estimations les plus réalistes sont entre 160 et 240km pour les oiseaux de la classe 2, 330 à 490km pour les oiseaux de la classe 3 et entre 415 et 650km pour les individus de la classe 4.
Discussion
Les données sur les alouettes sauvages obtenues durant la migration automnale dans le sud ouest de la France mettent en lumière l’importance écologique des habitats des haltes migratoires dans la stratégie de ravitaillement des espèces de passereaux.
A notre connaissance, de tels résultats sur la biométrie et la structure sexuelle n’avaient jamais été abordées pour les populations d’alouettes migratrices, au moins pour celles de l’Europe de l’ouest.
En se basant sur des données de Belgique, Pirard suggérait que la durée de la migration automnale des alouettes s’étendait du 8 octobre au 8 novembre pour la période de 1989 à 2002, avec 1 pic migratoire le 18 octobre. Nos données confirment que le passage dure à peu prés 1 mois avec un pic migratoire le 24 octobre pour les femelles et le 26 octobre pour les mâles, c’est qui est approximativement 1 semaine plus tard qu’en Belgique située à 1.000km plus au nord de notre région d’étude.
Les longueurs des ailes des alouettes (de 96 à 124mm) sont proches de celles trouvées dans une étude précédente. La longueur moyenne pour les femelles est similaire (approximativement 105mm) à celle observée ailleurs et elle diffère de moins d’1,5% pour les mâles.
Le sex ratio déterminé dans notre étude, avec une prédominance de femelles est proche de ce qui a été trouvé le long de la côte sud de la mer tyrrhénienne, mais elle diffère fortement de celles estimées pour des populations plus nordiques où une prédominance de mâles (>54%) est observée.
Les poids corporels observés dans notre étude sont similaires à ceux trouvés dans d’autres populations dans lesquelles les femelles pesaient entre 26 et 44g et les mâles entre 26 et 49g.
Selon la tendance générale observée sur d’autres populations d’alouettes, les mâles étaient en moyenne 18% plus lourds que les femelles (38,5g contre 32,7g).
Les fluctuations sur la masse corporelle selon les heures ont été communément observées dans la nature. Ce phénomène est en partie dû à des facteurs tels que l’apport alimentaire, l’utilisation des réserves énergétiques liée aux vols, aux conditions météorologiques (températures ambiantes) et au stockage de graisse.
En général, des oiseaux avec de grandes réserves de graisse sont capables de voler sur de plus grandes distances que les oiseaux ayant une moindre adiposité. Plus de 40% des oiseaux capturés avaient très peu de réserve de graisse et seulement 17% avaient des réserves modérées ou importantes (classe 3). Cela suggère que les alouettes en migration ou en escale sur nos sites ne transportent pas de grosses charges de graisse et ont donc besoin de les renouveler périodiquement en route.
Faire escale est une importante décision pour beaucoup d’oiseaux terrestres durant leur migration. D’abord, les escales migratoires sont utilisées pour refaire le plein de réserves de graisse et pour éviter de voler à certaines heures du jour ou de la nuit ou en cas de conditions météorologiques défavorables.
Généralement, beaucoup de passereaux augmentent leurs réserves de graisse pendant la journée sur leurs sites d’escale. Lindström a démontré que les gains maximum journaliers étaient de 4 à 5% de la masse corporelle maigre chez les petits passereaux.
D’un autre côté, plusieurs auteurs suggéraient qu’un gain journalier de 4,5% de la masse corporelle est nécessaire pour contrebalancer les pertes nocturnes.
Si les oiseaux font principalement des dépôts de graisse, les gains diurnes devraient excéder les pertes nocturnes, avec comme résultat un gain positif journalier. Si les réserves d’énergie ne peuvent être remises à niveau pendant les haltes pour compenser le coût du retard dû l’arrêt dans la migration, ces sites pourraient alors agir comme des « puits » qui réduisent l’aptitude des migrateurs.
Dans notre étude, considérant que le vol en migration est principalement alimenté par les lipides, le taux moyen de 5% de gain de masse corporelle diurne suggère que le gain journalier compenserait au minimum la dépense énergétique nocturne.
En outre, aucun des 8903 individus n’a été recapturé. Ces résultats indiquent qu’un jour d’arrêt sur notre site serait suffisant pour permettre aux oiseaux de faire un vol soutenu la nuit.
Winker suggère que les grives de Swainson (catharus ustulatus) adoptent la même stratégie de migration appelée « se nourrir la journée, voler la nuit ».
Offrant des sites de halte qui permettent une rapide reconstitution des réserves corporelles, on peut avancer sans crainte que notre région est particulièrement valable pour les passereaux migrateurs qui ont besoin de s’arrêter en route pour se nourrir et accumuler de la graisse. Pendant la migration mais aussi en hiver, le régime de l’alouette est principalement composé de graminées, de feuilles et de graines, ces dernières étant les plus énergétiques en termes de stockage d’énergie.
Les changements dans la politique agricole en Europe pourraient avoir de dramatiques effets sur les populations d’oiseaux dépendant de la production de grains.
Il y a donc un fort risque que le déclin des populations d’alouettes en période d’hivernage et de nidification résulte des pratiques d’agriculture intensive.
D’autres futurs changements probables dans les pratiques agriculturales comme le mulching ou le labour sans retournement pourraient avoir de graves conséquences sur les populations d’alouettes migrantes par effet indirect sur l’accessibilité aux stocks de graines.
La même chose pourrait arriver avec des changements dans les plantes cultivées car les alouettes et de nombreuses espèces de migrateurs terrestres préfèrent des habitats riches en graines comme les chaumes.
Enfin, des études similaires sur les variation de contenu de graisse pourraient être entreprises dans d’autres régions comme le nord de la France. Ces études pourraient démontrer la relative importance de différents sites de halte au long des routes migratoires en termes de qualité d’habitat et de ravitaillement alimentaire.
Egalement, une prochaine analyse de la composition corporelle des carcasses entre différentes haltes aidera à améliorer la gestion des plans pour la conservation des alouettes migrantes.
Remerciements
Le financement de cette étude a été fourni par la Fédération des Chasseurs des Landes et l’Association Landaise des Chasseurs d’Alouettes aux Pantes.
Nous sommes reconnaissants aux nombreuses personnes qui ont participé au travail sur le terrain et nous tenons particulièrement à remercier les personnes suivantes qui ont été directement impliquées dans la collecte des données sur lesquelles est basée cette étude : François Faure, Paul Lesclaux, l’équipe du CPIE et Cécile Chaland.
Nous exprimons également notre gratitude aux municipalités, ACCA et ONF pour leur soutien officiel et technique. Maureen BERG a fourni une relecture particulièrement utile. Nous remercions également José Vingada et un relecteur anonyme pour leur aide.
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